Les Fantômes de nos vies by Thomas EJFD

Les Fantômes de nos vies by Thomas EJFD

Auteur:Thomas EJFD [Thomas EJFD]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Auto-Édité
Publié: 2022-06-11T22:00:00+00:00


Le carreleur 7

La police

Neuilly

Avenue de Madrid

Chez madame Pentlaf

Mardi. 09h00. Trois jours après la disparition de maître Pentlaf.

D’ordinaire madame Pentlaf sort de sa maison avant même qu’il n’ait eu le temps de sonner. Certainement parce qu’elle n’aime pas la petite musique joyeusement horripilante que fait son carillon. Elle pourrait lui ouvrir depuis le vidéophone intérieur, mais on dirait qu’elle tient à venir chaque fois jusqu’à lui. Peut-être trouve-t-elle cela plus poli ; ce qui serait étonnant de sa part. Peut-être est-ce devenu une habitude, prise lors de leur première rencontre. Ou peut-être cela lui occasionne-t-il une petite sortie. La notion d’extérieur se rétrécit rapidement lorsque l’on prend trop l’habitude de rester enfermé chez soi, et de ne voir le monde qu’à travers des fenêtres. Faire quelques pas dehors devient comme un voyage au bout du monde.

Tous les matins elle guette derrière ses rideaux et dès qu’elle voit apparaître la silhouette du carreleur se planter devant son portillon et s’afficher sur son petit écran mural en couleur, elle surgit et s’avance à pas rapides sur le chemin tordu qui sillonne à travers la pelouse. Le carreleur le sait. Il attend. Il ne lui viendrait même plus à l’idée d’appuyer sur ce bouton où est dessinée une tête stylisée, qui semble appeler à l’aide, pour signaler son arrivée.

Aujourd’hui, elle ne surgit pas. Pourtant elle est là, les rideaux ont légèrement bougé, mais la porte ne s’est pas ouverte ; en tout cas pas tout-de-suite. Il aura fallu deux ou trois minutes supplémentaires pour voir enfin madame Pentlaf sortir de sa maison. Ces quelques minutes, lorsqu’elles sont inhabituelles, prennent souvent une aura étrange et une dimension incertaine. Elles deviennent longues et inquiétantes. Elles interrogent. Pourquoi, ces quelques minutes ? Pour une mère qui attend le retour de sa petite fille ou de son petit garçon, le nez collé à la fenêtre, elles peuvent vite devenir une torture insoutenable. Pour le carreleur, qui fixe avec attention sa cliente approcher, elles ont pris la forme d’un mauvais pressentiment ; car madame Pentlaf est, comme lui, toujours à l’heure à la seconde près.

Elle arrive, comme à son habitude, tenant d’une main crispée son col, comme s’il faisait froid, mais il ne fait pas froid, pas vraiment, pas à ce point-là, tandis que son autre main, marquant le rythme de sa marche, lui sert à s’équilibrer. Aujourd’hui elle porte un foulard sur la tête, qui enveloppe ses cheveux et encadre au plus près son visage, ainsi que d’énormes lunettes fumées aux verres carrés et à la monture dorée. Madame Pentlaf se cache. Quelque chose ne va pas. Le mauvais pressentiment du carreleur enfle, il se mue en certitude. Elle avance en fixant le sol ; et même lorsque le portillon s’ouvre, elle l’accueille sans le regarder, sans lui adresser ce bref coup d’œil et les quelques mots qui allaient avec ordinairement. Elle garde le nez baissé sur ses beaux escarpins vernis, marron glacé, tirant sur le bordeaux, puis s’en retourne aussitôt. Mais il a vu ce qu’elle voulait cacher.



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